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12/10/2006

De retour

Après de longs mois de silence, je reprends mes chroniques alexandrines, mais cette fois ce n’est plus en tant que stagiaire de la Bibliotheca Alexandrina : l’ex-stagiaire est à présent en contrat local ! En effet, pendant ces derniers mois, une proposition de contrat est venue se concrétiser. Et preuve que je suis à présent titulaire dans une institution culturelle, j’ai déjà un stagiaire !

PS : Le titre du blog sur la bannière changera prochainement…

02/05/2006

"Civilisation"

Régulièrement, j’ai le droit de la part de Chaymaa à un « cours de civilisation égyptienne » comme elle dit. J’ai beau commencé à m’habituer aux règles sociales et religieuses locales, il n’en reste pas moins que de temps en temps, j’ai besoin d’une piqûre de rappel tellement certaines choses paraissent exagérément puritaines. En particulier, j’ai eu du mal à comprendre pourquoi je ne pouvais pas inviter à la maison notre ami Ismail (autrement appelé « Monsieur I » quand on veut parler de lui à son insu), ami proche de Chaymaa et accessoirement notre collègue. C’est que dans l’opinion commune, des filles et des garçons ensemble dans un appart fermé à l’abri des regards, sans la famille pour surveiller, veut automatiquement dire qu’il s’y passe des choses inavouables. Les jeunes un minimum sérieux et religieux proscrivent donc toute situation de ce type. Cela m’est resté longtemps mystérieux et je ne pouvais m’empêcher de commenter à Chaymaa : Mais enfin quand même, Monsieur I est un grand garçon ! Il a fait des études ! Et puis s’il venait, il se rendrait compte qu’il ne se passe rien d’extraordinaire, on se contente de boire un thé, de discuter, de dîner ensemble, bref, rien à voir avec une partouze généralisée ! Chaymaa elle, brave cet interdit, c’est que dit-elle, elle n’est pas si religieuse, et puis avec les étrangers c’est pas pareil. Mais à l’occasion, elle s’est quand même souciée de savoir si cela n’était pas interdit par la religion de rester en compagnie de gens qui boivent de l’alcool, même si elle-même n’en buvait pas. Et puis, il y a ce foutu couvre-feu pour les filles, le sien plafonne à 21h30 (un peu dur à 23 ans !), pas vraiment le temps de s’encanailler !
Bien sûr, tout cela vient de leur obsession pour la virginité des jeunes filles et du tabou des relations sexuelles. Cependant, j’ai maintenant compris que ce n’est pas vraiment qu’on pense qu’il se passe automatiquement quelque chose de mal, mais rien que le fait que cela pourrait se passer – parce qu’il n’y aurait pas de témoin pour certifier le contraire contrairement aux lieux publics ou à la maison familiale– suffit pour jeter l’opprobre. Se mettre simplement dans cette situation suffit à autoriser les gens à médire car rien que la potentialité d’un acte immoral est suffisant pour détruire la réputation de quelqu’un. En conséquence, la plupart du temps, les jeunes des familles égyptiennes moyennes suivent bien sagement les règles : pour une fille, on voit ses amis garçons seulement dans les lieux publics, et en groupe s’il vous plaît ! En tête à tête, c’est plus gênant et ça veut dire qu’il se trame quelque chose. Bien sûr, il y a beaucoup de gens plus ouverts, mais ils appartiennent souvent aux classes supérieures ou bien au milieu intellectuel et artistique. Il est vrai que ce sont ceux que les étrangers ici rencontrent en priorité étant donné leur ouverture, mais ils ne sont pas vraiment représentatifs, la preuve, mes proches collègues de la Bibliotheca, de classe moyenne, voire moyenne-supérieure, qui ont fait des études, ont une bonne situation, à l’occasion voyagent à l’étranger, sont imprégnés de ces règles et de cette culture.
Bref, compte-tenu du contexte, je pardonne à Monsieur I, mais je ne peux m’empêcher de penser que ce grand garçon sage est vraiment trop sérieux…

05/04/2006

Total Eclipse 2006



Un fascinant disque noir cerné par un halo de douce lumière blanche.
Le crépuscule et l'aube qui se succèdent en accéléré.
Des étoiles qui apparaissent à midi.
une chute de température de 10°C en moins d'une heure.
25000 passionnés (et autant de téléscopes) qui s'entassent dans un camp dans le désert à proximité d'une petite ville de quelques milliers d'habitants, à la frontière de la Libye.
Un spectacle extraordinaire et des sensations étranges...

Alors forcément la photo ne rend RIEN du tout.
C'est que de nuit, ces appareils photos essaient de capter la lumière au maximum et rendent le halo lumineux du soleil éclipsé en une grosse tâche baveuse de lumière.

Les photos quand même...

23:04 Publié dans Etrange... | Lien permanent | Commentaires (2)

28/03/2006

Fatima

Cela a très mal commencé entre nous. Elle avait la mauvaise idée de venir le samedi matin avant même 8h pour faire le ménage. Mais surtout, elle avait une manière de tambouriner à la porte d’une violence inouïe, une agression qui me tirait malgré moi du lit, et cela toutes les semaines car malgré son vacarme, il n’y avait que moi pour l’entendre et venir lui ouvrir dans la maison endormie. Je ne comprenais pas comment une femme sans défense, surtout de son âge, avait une telle violence en elle pour pouvoir s’acharner comme ça sur une porte. Même une fois bel et bien réveillée, sa façon de parler continuait de m’agresser ; il se trouve qu’elle a tout le temps l’air de crier et d’être en colère.

Finalement, nos relations se sont beaucoup améliorées. On a trouvé un terrain d’entente : à présent elle vient un matin en semaine, ou bien le samedi pas avant midi ! En repartant ainsi sur de bonnes bases, j’ai découvert une vraie brave femme et un personnage hors du commun. Ne serait-ce que le fait de parler en espagnol en Egypte avec sa femme de ménage trilingue, ça étonne pas mal de monde… C’est qu’en réalité elle est Marocaine, ayant vécu un peu en France et dix ans à Madrid, où elle a rencontré son Egyptien de mari qui l’a ramené à Alexandrie et lui a fait deux enfants gâtés. Depuis le décès du chef de famille, elle travaille dur dans des ménages sous-payés pour faire vivre sa famille et constituer à la force du poignet le trousseau de sa fille. Depuis qu’elle sait que je parle espagnol, elle me parle systématiquement dans cette langue, parce que dit-elle, elle préfère mucho más hablar en español. Son espagnol madrilène lui a d’ailleurs valu de se faire embaucher comme cuisinière/femme de ménage au service du Consul Espagnol.

A présent que les histoires de grasse mat’ sacrifiées par des poings rageurs sur la porte sont terminées, on papote cuisine, des briouats au miel, du Maroc, de sa vie. Elle aime à critiquer l’Egypte, répéter que c’est plus sale et moins beau que son Maroc perdu. Elle aime à dire qu’elle a tout vécu, qu’elle a bien profité, et qu’elle a eu autant de fiancés que de cheveux sur la tête - quand elle était en Europe bien sûr, parce qu’aujourd’hui, c’est un voile blanc qui est sur sa tête. Bref, c’est une bonne pâte attachante, même si malheureusement ses accès de violence – ou peut-être d’énergie - ressurgissent parfois contre mon pauvre chaton qui s’est oublié sur le balcon… porque hay que educarlo de pequeño !

19/03/2006

L’une voilée, l’autre pas*

Les voiles de ces demoiselles me fascinent. D’abord pour des questions de mode et d’esthétisme, (mais ça, j’en parlerai une autre fois, photos à l’appui), mais surtout, pour l’articulation complexe entre norme sociale d’un côté, et choix personnel de l’autre. Cela dit, c’est quand même plus intéressant quand elles les enlèvent… l’autre jour, j’ai vu Radwa sans son voile, en privé bien sûr, mais ça fait son petit effet ! Ca la change complètement, elle fait alors beaucoup plus jeune et j’ai pu découvrir ses fins cheveux bouclés. Autre événement, une petite nana de l’étage est arrivée un jour sans son voile, mais elle définitivement. Son supérieur était choqué paraît-il, et bien sûr certaines filles n’ont pas manqué de la sermonner et de tenter de la raisonner, mais d’autres prennent ça naturellement, elle n’était pas assez « convaincue » par le voile voilà tout, sans que cela veuille dire pour autant qu’elle ne soit pas musulmane. Mais la conversion se passe surtout dans l’autre sens, Radwa par exemple n’a décidé de le porter qu’il y a trois ans, la vingtaine passée. C’est une décision assez rude au début mais après dit-elle cela devient totalement naturel, c’est comme de mettre ses chaussures avant de partir. Certes, ce sont des choix personnels, mais étant donné la proportion écrasante de filles qui le portent, quand on est musulmane, la décision courageuse c’est plutôt de persister à ne pas le porter. Et beaucoup parmi ces « rebelles » envisagent sérieusement de le porter un jour… Il n’empêche que ça me fait toujours bizarre d’entendre Chaymaa dire « quand je porterai le foulard »…

* J’emprunte ce titre à Dounia Bouzar et Saïda Kada, L’une voilée, l’autre pas, Albin Michel.

12/03/2006

Ma vue

Ces derniers temps, je suis privée de ma vue, et ça influe fortement sur mon humeur. L’écran du nouvel ordinateur n’était pas assez lumineux, alors, à mon grand dam, les rideaux ont été tirés. Ma vue, c’est celle du bureau du boss, une large tranche de mer Méditerranée traversée par la presqu’île de Silsila. Ma vue, c’était ce qui me consolait d’être dans son bureau et qui m’occupait quand il était au téléphone. Ma vue, c’était ce qui me régalait les yeux d’un seul coup d’œil, c’était une composition différente chaque jour, chaque saison, et presque chaque heure de la journée. Ma vue, c’était l’infinie palette des couleurs de l’eau et du ciel… et l’infinie diversité des mouvements de l’eau ; vagues de la tempête, légère brise qui caresse les flots ou calme plat… Ma vue, c’était un peu ma cathédrale de Rouen, un spectacle qui ne me lassait jamais et le plaisir toujours renouvelé de capter les nuances du jour…
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Plus de photos...

06/03/2006

Monsieur tampon (dans la série la bureaucratie à la Bibliotheca)

(note écrite en décembre dernier, lors de mes démarches administratives pour obtenir mon visa)

Aujourd’hui j’ai découvert un bureau tout à fait intéressant, niché au fond d’un petit couloir, entre d’un côté l’entrée du personnel (et ses trois barrières de sécurité), et de l’autre l’ascenseur qui mène aux bureaux. C’est celui du responsable du tampon et de ses deux assistants, enfin du « cashier administration » mais je n’ai pas bien saisi ce que c’était et j’ai bien peur que cela se résume à… être responsable du tampon. Il le garde donc précautionneusement dans une sorte de coffre-fort qu’il tient à portée de main, fermé par un code chiffré et une clé, qui reste tout de même sur la serrure. Je me suis renseignée auprès de mon accompagnateur chargé de m’aider à obtenir ce précieux tampon apposé en bas d’une paperasse de plus censée m’octroyer un visa de résident. Je voulais savoir si c’était le seul responsable à posséder le tampon dans toute la bibliothèque, soit sur 1200 personnes… Or oui. C’est que, me dit-il, c’est le tampon de la Bibliotheca, soit un tampon de l’état et c’est important. Mais qu’est bien capable d’ouvrir ce tampon comme avantage fabuleux et mirobolant pour être aussi couvé ?

26/02/2006

Bédenguen

Chez Abou Rabia, vendeur de sandwichs foul-falafel-and co près de la Bibliotheca, je suis sûre que je suis connue comme la «miss bédenguen», ou l’étrangère bizarre qui adore les sandwichs bédenguen. Lors de notre passage presque quotidien, j’ai pu remarquer les petits sourires ou les commentaires amusés du vendeur à la caisse. Quand je commande « wahed falafel », ça le fait marrer ou même il commente carrément le fait que « ça me plaît hein le bédenguen », et quand j’en prends pas, il peut pas s’empêcher de dire « ah, y a pas de bedenguen aujourd’hui » ? En fait bédenguen ça veut dire aubergine, c’est pas que j’en raffole tant que ça mais ça change des fèves, soit du foul et du falafel, les sandwichs ici les plus communs (le foul est une purée de fèves épicée et les falafels des boulettes frites à base de fèves vertes). Et puis ce qui me plaît, c’est qu’elles sont différentes tous les jours ; parfois, assez pimentées, parfois avec de la sauce tomate, parfois bien fondantes, parfois trop salées et pas vraiment bonnes, et j’aime à imaginer que c’est selon l’humeur du chef cuisinier…