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02/05/2008

Le pain ou la vie

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Ici en Egypte, cela fait déjà longtemps qu’on a commencé à entendre parler de la hausse du prix du blé et des produits alimentaires de base telles que l’huile, le riz etc. Bien avant que les médias européens se mettent à parler de la hausse sans précédent des cours agricoles mondiaux et commencent ainsi à populariser le thème de la crise alimentaire mondiale identifiée par les experts des organisations internationales. Le problème est en effet très sensible en Egypte en raison de caractéristiques inhérentes au pays qui engendrent des problèmes insolubles. La croissance démographique y est ainsi excessivement rapide pour une zone cultivable extrêmement restreinte, concentrée essentiellement dans la vallée du Nil et en particulier dans le Delta. Le pain, ainsi que d’autres denrées alimentaires de base continuent d’être subventionnées par l’Etat pour permettre à la couche la plus pauvre de la population de se nourrir et permet par là même à l’Etat de maintenir une certaine paix sociale (cette couche pauvre représente beaucoup de monde : 2 Egyptiens sur 5 vivent en dessous du seuil de pauvreté selon la Banque Mondiale). Enfin, le pays a déjà connu de graves émeutes du pain en 1977 quand justement Sadate a tenté de supprimer ce système de subventions hérité du régime socialiste nassérien. Depuis lors il n’a pas été remis en cause et l’Etat se trouve dans l’obligation de consacrer une part importante de son budget à aider sa population à se nourrir. Alors, quand les premiers articles ont commencé à sortir dans la presse sur la crise alimentaire, l’Egypte était systématiquement citée – et dans les tous premiers exemples – à propos des émeutes de la faim, ce qui a certainement dû faire frémir tous les proches d’expatriés français en Egypte! Mais je crois que plus que pour l’ampleur des événements – il n’y a pas vraiment eu d’émeutes, si ce n’est lors de la grève du 4 avril, et encore dans une seule ville, et encore, le plus dur était déjà passé à la parution de ces articles – c’est plutôt parce que c’est en Egypte qu’en premier des personnes sont mortes pour du pain. Non pas dans des émeutes, mais dans des files d’attente devant les boulangeries subventionnées. Bousculades, bagarres… l’atmosphère devient vite tendue quand il faut faire la queue depuis l’aube pour espérer pouvoir repartir avec 20 galettes de pain à 1 livre (le maximum servi par personne). Car tout le monde n'aura pu être servi à la fermeture, lorsque la quantité de farine livrée aura déjà été épuisée en fin de matinée. De plus en plus de familles ne peuvent en effet plus s’approvisionner dans les boulangeries ordinaires du marché privé, devenues inaccessibles suite à la hausse du prix de la farine. D’autant que la hausse du prix de tous les autres aliments impose d’économiser sur l’aliment de base de la population égyptienne, celui qui permet de rassasier et de compenser l’absence de viande ou d’alimentation variée : le pain. C’est ainsi que la clientèle des fours subventionnés de quartier a soudainement explosée et que la pénurie est apparue, suivie de ses conséquences dramatiques. Mais que l’on se rassure, Moubarak a envoyé les soldats aux fourneaux en ordonnant à l’armée – qui possède les plus grandes boulangeries du pays pour assurer son propre ravitaillement – de cuire la quantité de galettes de pain nécessaire pour juguler la pénurie. Solution temporaire permettant de gagner du temps et de calmer momentanément la crise…
Gagner sa vie en Egypte c’est bel et bien gagner son pain, le mot « pain » se dit 'aïch en arabe égyptien, ce qui signifie aussi « vie », et la perdre pour du pain en est sans aucun doute le comble tragique.

01:10 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0)

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