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03/09/2008

Décalage horaire

Le week-end dernier, surprise, on a reculé nos pendules d’une heure. Finies les (relativement) longues soirées d’été ! Alors qu’on est seulement au début du mois de septembre, le soleil se couche à présent à 18h et des poussières… Et ça ne va pas s’arranger plus on approchera de l’hiver. La raison de ce changement d’heure précoce : c’est le début du Ramadan ; on a changé d’heure en avance pour que la rupture du jeûne intervienne plus tôt… Et comme l’année prochaine le Ramadan commencera courant août, vont-ils décréter un passage à l’heure d’hiver début août ? Autant ne pas passer du tout à l’heure d’été…

09/02/2008

Le piéton ou la vie

Dans les voies rapides, rues, ruelles, impasses d’Alexandrie, déambulent toutes sortes de véhicules : taxis branlants jaunes et noirs, minibus, gros bus, trams, calèches, charrettes tirées par un âne… Mais l’espèce la plus méprisée, c’est sans conteste ce piéton insolent qui s’obstine à traverser la rue alors que les flots motorisés, dans leur élan, ne vont pas s’abaisser à s’arrêter pour le laisser passer, ou même à ralentir. Au mieux aura-t-il droit à un avertissement sonore, un coup de klaxon rageur, qui veut dire « pousse-toi de là, c’est à tes risques et périls, quoi qu’il arrive moi je ne vais pas freiner ». Le premier geste de survie consiste donc à savoir bien anticiper et slalomer entre les différentes voies, quitte à traverser en plusieurs temps. Encore que les voies, quand elles existent, ne sont pas respectées. Ainsi donc ce n’est pas parce qu’on est sur le fil ténu de l’entre-deux-voies qu’on est à l’abri ! Rien ne dit qu’on ne va pas voir débouler un minibus bien chargé fonçant droit devant au milieu de la voie. Heureusement, les Alexandrins (et les Egyptiens en général) ont une grande maîtrise du passage piéton improvisé, matérialisé en trois ou quatre temps au milieu de la route, en fonction de l’arrivée des voitures et minibus, avec un sens aigu de l’évaluation de la vitesse du véhicule, de leurs déboîtements possibles et finalement de la possibilité de passer sain et sauf. Mai la corniche reste le point critique… 2x4 voies de véhicules pressés de rallier un bout d’Alexandrie à l’autre : on déplore souvent des morts et blessés. Ces accidents sont d’autant plus fréquents que les automobilistes sont rarement tenus responsables, dans tous les cas c’est la faute du piéton (il est vrai qu’ils prennent parfois des risques proches de l’inconscience). Morale de l’histoire et de ce pauvre piéton qui évalue le moment propice pour traverser sans aucun espoir que quiconque lui offrira le passage : la loi du plus fort est ici encore plus qu’ailleurs celle du plus motorisé…

14/11/2007

French Iftar

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Le mois de Ramadan est plus que tout autre celui de l’hospitalité et des sociabilités pendant lequel on partage plus volontiers ce repas très particulier qu’est la rupture du jeûne. Les premiers jours sont plutôt consacrés à la famille tandis que par la suite, les invitations dans le cercle d’amis et de connaissances se multiplient. De même, les écoles, universités, entreprises, et clubs divers y vont tous de leur Iftar annuel de Ramadan. Pour la deuxième année consécutive, je me suis risquée à mon tour à inviter mes collègues et amis musulmans de la Bibliotheca à un « French Iftar », concept déjà éprouvé l’année précédente, non sans difficultés… Sur le papier, le concept est plutôt porteur mais au moment de s’asseoir vraiment autour de la table, tout se complique. Force est de constater qu’il est difficile d’emporter l’adhésion des convives peu enclins à s’ouvrir à de nouvelles saveurs et à des habitudes alimentaires différentes. Pourtant cette année, j’ai tenté tant que possible de m’adapter aux coutumes locales. D’abord, je n’ai pas essayé de suivre notre ordre consacré « apéritif – entrée – plat – dessert » comme l’année dernière insistant sur le fait qu’on allait manger « à la française », car j’avais dû capituler devant des convives récalcitrantes, se servant du plat principal tout en regrignotant des apéritifs ou de l’entrée avec la viande, et ce malgré mes protestations…. Donc cette fois, point d’ordre contraignant (qui plus est qui s’accorde mal avec une rupture de jeûne qui pousse à se remplir de tout le plus vite possible), mais plutôt l’opulence des grandes tables orientales remplies de tous les mets salés présentés en même temps pour une partie de goinffrage désordonnée mais jouissive. De plus, point d’excentricité culinaire comme l’année dernière avec ces choses aussi inconnues et étranges que le confit de canard (le canard est très peu consommé en Egypte et encore moins sous cette forme) ou une terrine de brocolis, sûrement bien trop verte pour être comestible ! Non, seulement des produits locaux, méditerranéens, couramment utilisés en Egypte, mais tout de même cuisinés avec une french & italian touch pour l’occasion. Malgré cet effort d’adaptation, je dois reconnaître que je n’ai eu qu’un succès mitigé, devant essuyer des regards interrogateurs sur les mets et des questions méfiantes « c’est quoi ça ? », écartées par mon systématique « goûte d’abord ! ». Quant à la soupe de courgettes, à une exception près, la conclusion s’est imposée qu’elle n’était pas dans le « goût égyptien », pour lequel une soupe est forcément de lentilles ou de tomates ou de « mushrooms » (et puis elle doit être trop verte elle aussi). J’en suis venue à m’interroger moi-même sur la qualité de mes préparations… Mais j’ai été vite rassérénée le lendemain, les restes délaissés par mes convives égyptiens ont été littéralement dévorés par de gourmandes amies françaises qui elles ne tarissaient pas d’éloges…Enfin tout devenait plus facile et naturel et la méfiance de la veille se commuait en la simplicité d’un évident plaisir gustatif. Pas de doute, le « French Iftar » fonctionne beaucoup mieux sur un public … français. Fichtre, il y a encore beaucoup de progrès à faire dans le dialogue des cultures culinaire.


Menu « French Iftar » 2007

- velouté de courgettes
- caviar de poivrons rouges & grisinis
- cake aux tomates et à la mozzarella
- salades de crudités aux herbes
- gratin d’aubergines à la tomate et au parmesan à la façon de ma grand-mère sicilienne
- pâtes torsades aux crevettes, tomates séchées et sauce rouille
- rougets et pommes de terres frites à la tapenade d’olives noires

Et en dessert :

- mes rochers cocos
- plus toutes les douceurs amenées par les invités (kahk de la mère d’Ismail, pâtisseries orientales etc., etc.)
- Ah oui j’oubliais, même le délicat thé « Mariage Frères » a été dénigré au profit d’un vulgaire thé en poudre à l’égyptienne (kouchari) ou de l’incontournable Nescafé. Bon tant pis, j’en garderai plus pour moi, ils ne savent pas ce qu’ils ratent :).

15/09/2007

« Ramadan Karim ! » « Allahou Akram! »* (II)

Ca y est c’est reparti pour un tour de jeûne annuel et de fête de la consommation nocturne ! Cela a ses petits inconvénients, comme éviter de boire, manger et fumer en public et quelques difficultés pour trouver où manger le midi (encore que…) mais ce n’est pas bien important, moi j’aime. Il flotte en effet une atmosphère spéciale, à la fois de fête et de ferveur. Les rues, magasins, maisons, mosquées se sont parés de guirlandes lumineuses, de fawanisse (lampe traditionnelle de Ramadan). Bref, c’est comme un Noël oriental en plein été ! La boulangerie de la rue s’offre comme chaque année un stand en extérieur avec des pains briochés de toutes les formes et de petites crêpes fourrées aux fruits secs qui rissolent dans une marmite. Les horaires de travail sont réduits et les Egyptiens veillent jusqu’au dernier repas tard dans la nuit. Et puis il y a cette expérience assez irréelle de marcher dans les rues désertes au moment de l’iftar, la rupture du jeûne. Quand on rêve au balcon à ce moment précis, la vie semble s’être arrêtée, la ville est devenue étrangement silencieuse, sauf quelques bruits d’assiettes se font entendre des appartements voisins… Le seul réel inconvénient du Ramadan c’est la prière collective la plus populaire de toute la ville, à la Mosquée Ibrahim toute proche et qui envahit la rue pour deux heures tous les soirs (cf. la note « Souvenir du Ramadan » 15/11/2006 ). En début de Ramadan, il y a déjà énormément de monde mais cela ne fait que s’accroître au fur et à mesure qu’on avance dans le mois, jusqu’à atteindre son paroxysme pour la Nuit du Destin. Afin de réaliser l’ampleur du phénomène, j’ajoute quelques photos du Ramadan de l’année dernière (sans l’aimable autorisation de son auteur Guirémi mais j’espère qu’il ne m’en voudra pas ;). Encore plus impressionnant quand on se retrouve au milieu…

Par ici les photos

* Littéralement « Ramadan Généreux ! » « Encore plus généreux à toi ! »

11/07/2007

Le poil

Le poil, « l’ennemi public, celui qu’on torture au rasoir bic » chante Java…
En Egypte, le poil est également un ennemi public, surtout le poil qui s’aventure à pousser sur une quelconque partie du corps féminin (ils sont en revanche tout à fait respectés s’ils croissent et s’épanouissent sur le torse viril d’un Egyptien mâle). Ainsi le poil de la femme égyptienne est traqué, repéré et impitoyablement épilé par des professionnelles assidues qui utilisent les méthodes traditionnelles –mais qui ont fait leur preuve – de la cire à base de sucre et du fil. Le fil est utilisé sur le visage (moustache, sourcils, duvet) grâce à une technique assez impressionnante qui transforme n’importe quel fil de couture, enroulé et coincé entre les doigts et les dents de l’épileuse en un outil diablement efficace pour enserrer les poils du plus fin duvet et les arracher. Vous me direz, il n’est pas très bon non plus d’être poil en Europe, surtout en cette période estivale et à l’époque de la mode des torses d’éphèbes imberbes. Sauf qu’en Egypte, la femme se doit d’être véritablement sans poil et surtout avant de se marier, la jeune fiancée doit passer impérativement par l’épilation intégrale, y compris le pubis. Mais c’est également les jambes entières, les bras entiers, et même le dos ou toute autre partie velue qui y passe. Question d’hygiène paraît-il, moi je dirais plutôt de culture car je ne vois pas pourquoi cela serait moins hygiénique pour la femme que pour les hommes qui eux peuvent garder tous leurs poils.

La partie visible de cette pratique culturelle est l’avant-bras, la partie du corps la plus souvent découverte, encore que la proportion de filles voilées fait que cela n’est pas si fréquent. Au début, quand une amie ou une épileuse me posait innocemment la question de savoir pourquoi je ne m’épilais pas les bras, je m’offusquais, je me sentais sûre de mon bon droit, sûre de ma culture, pensant que c’est une idée vraiment stupide de s’épiler les avant-bras alors qu’ils sont plutôt fins et clairs. J’allais sûrement pas commencer pour leur faire plaisir, surtout que ça allait repousser plus foncé et que cela serait une entreprise complètement inutile étant donné que de retour en France je n’allais pas continuer.

Entre temps, je me suis habituée à la vue d’avant-bras mats et lisses (pour les rares qui sont donnés à voir), et mon acculturation aidant, je trouve cela de plus en plus séduisant...
Aujourd’hui quand un regard s’attarde sur mon avant-bras velu, je me sens gênée, et m’évertue à lui ôter de la vue ces poils réfractaires pour ne pas lire dans le regard du curieux une idée comme « beurk, ces occidentales, elles sont poilues et elles ne s’épilent pas », ou le même genre de stéréotype que nous nous pouvons avoir sur les allemandes ou les portugaises. Et quand on me demande pourquoi je m’épile les jambes et pas les avant-bras, je réponds évasive que c’est une question de culture, sans être très convaincue moi-même. L’idée a en effet commencé à s’insinuer insidieusement dans mon esprit que c’est effectivement étrange de s’épiler les jambes et pas les bras, et que finalement des bras sans poils et bien cela est assez esthétique. Pour l’instant je résiste, d’autant que le soleil de l’été les rend de plus en plus clairs mais je ne sais pour combien de temps. Quand vous me verrez avec les avant-bras épilés, cela sera le signe incontestable que je serai vraiment intégrée…

12/02/2007

Conte de fées

Les petites égyptiennes rêvent du prince charmant ; pas plus que les petites françaises, sauf que pour les premières, on érige le mariage comme le but de leur vie. Alors bien sûr, les égyptiennes attendent leurs fiançailles comme l’événement par excellence, et le mariage comme la consécration… D’ailleurs quand une jeune fille non mariée félicite quelqu’un pour ses fiançailles ou son mariage, on lui répond « u’belik », ce qui signifie qu’on lui souhaite la même chose bientôt, car qu’est-ce qu’une fille peut souhaiter de mieux que de se marier ?? Alors quand ça tombe sur moi, je réponds parfois sur le ton de la plaisanterie : « euh non merci, pour moi ça ira, pas tout de suite… »

Et puis quand ça finit par arriver à ces demoiselles… c’est rarement l’amour parfait de conte de fées dont elles ont rêvé... Bien souvent cela commence par une décision purement rationnelle : « C’est mon ami depuis longtemps, on était ensemble à la fac, c’est quelqu’un de bien, il est sérieux, il est religieux, je trouverai pas quelqu’un de mieux ». Ou bien : « ouh la j’ai bientôt 30 ans (ça devient critique à cet âge pour une fille ici), j’ai déjà refusé 3 propositions, or lui il est pharmacien, il gagne bien sa vie, il a un appartement à côté de chez moi, à Rushdy, comme ça je continuerai à vivre dans mon quartier, et on connaît sa famille depuis longtemps, ce sont des gens bien… »

S’ensuit une période assez romantique où le prince courtise sa princesse, et où on rêve de sa nouvelle vie, de s’échapper enfin de la maison parentale et de partager ses rêves avec son âme soeur. C’est romantique aussi car cela revêt d’emblée une dimension exceptionnelle, celle d’un événement fort – le début du mariage, de l’amour pour la vie – et non le début d’une banale amourette de passage. C’est comme si le prince avait enfin trouvé sa princesse prisonnière dans sa tour et accourait sur son cheval blanc pour venir la chercher... En plus, comme dans les contes, le prince est encore tout auréolé de son mystère, on peut lui prêter toutes les qualités, et on va tout découvrir de l’amour avec lui, pas comme dans nos histoires d’amour moins chevaleresques, où l’on a déjà connu d’autres relations et où l’on vit déjà depuis longtemps avec sa moitié avant de formaliser le tout par un mariage.

Mais finalement, ce sentiment dure un temps… puis on déchante vite. Les arrangements bassement matériels prennent vite le pas sur les joues qui rosissent et l’émoi naissant. L’organisation de la fête de fiançailles apporte toujours son lot d’histoires et d’intrigues sur le coût, le nombre d’invités, le prix des bagues, etc… (en général, la famille de la jeune fille doit prendre en charge les fiançailles tandis que le mari doit payer le mariage). Mais passons, cela n’est rien comparé aux affres du mariage…

En effet, une fois les fiançailles célébrées, toute la période avant le mariage doit être mise à profit en vue de deux buts avoués :

1°/ Premièrement, prendre le temps de mieux se connaître pour les deux jeunes fiancés et vérifier leur « compatibilité ». Ils se connaissent en effet rarement bien avant les fiançailles car c’est seulement à partir du moment où ils sont fiancés que les deux « tourtereaux » peuvent sortir tous les deux en tête-à-tête. Avant cela, même s’ils sont amis, la sortie de groupe est de rigueur ; une fille et un garçon qui tiennent à leur honneur ne peuvent pas passer du temps en tête-à-tête s’ils ne sont pas, soit de la même famille, soit fiancés…

2°/ Deuxièmement, préparer toute la vie matérielle des jeunes mariés : logement, meubles, trousseau… avec un arrangement entre les deux familles pour savoir qui paye quoi…

C’est là que les ennuis commencent, quand on commence à connaître réellement son « promis » et qu’on découvre par exemple que ce jeune –ou moins- jeune homme n’est pas à la hauteur des espérances : « trop occupé à la pharmacie », égocentrique, pas très ouvert d’esprit, désobligeant avec ses remarques sur les kilos en trop de sa soi-disant dulcinée, trop fils à sa maman, ou encore un goût peu sûr pour la décoration du futur nid.

Quant à la préparation et l’ameublement de l’appartement, même si elle génère aussi sa part de tensions et de questions d’argent, elle a « l’avantage » de déplacer la nature de la relation à peine naissante sur un plan purement matériel. « Avantage » car de toutes façons comme on a déchanté sur les qualités de sa moitié, on se lance dans une fuite en avant pour s’installer matériellement, ce qui rend de plus en plus difficile un quelconque retour en arrière ; comme ça, ça évite de se poser trop de questions… Car si dans la théorie, les fiançailles permettent de mieux se connaître et de confirmer le désir de mariage, en réalité avec ce système, on n’a que peu de droit à l’erreur, et se désengager n’est pas si aisé (même si de nombreuses fiançailles sont effectivement rompues, cette décision reste difficile à prendre car il faut souvent braver l’opposition de sa propre famille…). « Avantage » aussi car ça crée une relation sur un mode pratique, qui permet d’oublier et de compenser l’absence de tendresse entre les deux fiancés, proscrite avant tout contrat de mariage, alors qu’elle devrait être le mode normal d’une soi-disant relation d’amour naissante… C’est très étrange car ces futurs mariés font tout comme un vrai couple, refont l’appartement, l’équipent, prévoient une chambre pour les enfants, bref tout, sauf ce qui devrait être à l’origine de cette vie de couple et de ce futur emménagement: s’aimer ! Alors, allons donc choisir les meubles, au moins on fait quelque chose ensemble ! Mais quand on en vient à se quereller sur la place du frigo dans la future cuisine américaine, personnellement je ne garde plus guère d’espoir….

Mais à la fin sûrement « qu’ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… »



PS : Cette note est inspirée de deux cas réels dans mon entourage proche, je ne veux pas en faire une généralité pour autant, je pense qu’il faudrait sûrement nuancer (en mieux comme en pire d’ailleurs). J’espère aussi me tromper et que ces deux mariages prévus pour la fin de l’année seront des mariages heureux.

12/10/2006

Ramadan Karim*

medium_alex_sept-oct_06_067.2.jpgSoudain les étals de toutes les épiceries se sont mis à regorger de fruits secs et me narguer jusqu'en bas de chez moi, moi qui en cherchais désespérément tout le reste de l'année. Et puis quelques jours plus tard, ça a été Ramadan. Cela faisait un moment que tout le monde attendait ça, qu'on se préparait, qu'on faisait des grosses courses et que l'excitation montait. Car le Ramadan n'est pas seulement une période austère de jeûne et de prière comme on peut se l'imaginer. Bien sûr cet aspect en fait partie intégrante, mais le Ramadan est aussi un mois de fête, avec des repas gargantuesques lors des ruptures du jeûne, des séries télé à l’eau de rose sur toutes les chaînes, et de longues nuits de veille à la douce lumières d’un fanousse (la lampe traditionnelle de Ramadan, qui en est aussi le symbole, comme notre sapin pour Noël). medium_alex_sept-oct_06_007.2.jpgLes horaires de travail sont réduits (par exemple à la Bibliotheca, on passe à 9h-15h) et les gens vivent –encore plus que d’habitude– la nuit, se promenant jusqu’à pas d’heure parmi les magasins et cafés ouverts, dans des rues chatoyantes de couleurs et de brillantes guirlandes... Ainsi, paradoxalement Ramadan est aussi la fête de la consommation et de la bonne chère. L'année dernière, un rapport de l’organisme de statistiques égyptien a chiffré à 32% l’augmentation de la consommation des ménages pendant le mois de Ramadan. De quoi compenser une longue journée de jeûne…

* littéralement "ramadan généreux", la manière la plus commune de souhaiter joyeux ramadan, et cet adjectif confirme qu'il s'agit bien d'un mois d'opulence...

02/05/2006

"Civilisation"

Régulièrement, j’ai le droit de la part de Chaymaa à un « cours de civilisation égyptienne » comme elle dit. J’ai beau commencé à m’habituer aux règles sociales et religieuses locales, il n’en reste pas moins que de temps en temps, j’ai besoin d’une piqûre de rappel tellement certaines choses paraissent exagérément puritaines. En particulier, j’ai eu du mal à comprendre pourquoi je ne pouvais pas inviter à la maison notre ami Ismail (autrement appelé « Monsieur I » quand on veut parler de lui à son insu), ami proche de Chaymaa et accessoirement notre collègue. C’est que dans l’opinion commune, des filles et des garçons ensemble dans un appart fermé à l’abri des regards, sans la famille pour surveiller, veut automatiquement dire qu’il s’y passe des choses inavouables. Les jeunes un minimum sérieux et religieux proscrivent donc toute situation de ce type. Cela m’est resté longtemps mystérieux et je ne pouvais m’empêcher de commenter à Chaymaa : Mais enfin quand même, Monsieur I est un grand garçon ! Il a fait des études ! Et puis s’il venait, il se rendrait compte qu’il ne se passe rien d’extraordinaire, on se contente de boire un thé, de discuter, de dîner ensemble, bref, rien à voir avec une partouze généralisée ! Chaymaa elle, brave cet interdit, c’est que dit-elle, elle n’est pas si religieuse, et puis avec les étrangers c’est pas pareil. Mais à l’occasion, elle s’est quand même souciée de savoir si cela n’était pas interdit par la religion de rester en compagnie de gens qui boivent de l’alcool, même si elle-même n’en buvait pas. Et puis, il y a ce foutu couvre-feu pour les filles, le sien plafonne à 21h30 (un peu dur à 23 ans !), pas vraiment le temps de s’encanailler !
Bien sûr, tout cela vient de leur obsession pour la virginité des jeunes filles et du tabou des relations sexuelles. Cependant, j’ai maintenant compris que ce n’est pas vraiment qu’on pense qu’il se passe automatiquement quelque chose de mal, mais rien que le fait que cela pourrait se passer – parce qu’il n’y aurait pas de témoin pour certifier le contraire contrairement aux lieux publics ou à la maison familiale– suffit pour jeter l’opprobre. Se mettre simplement dans cette situation suffit à autoriser les gens à médire car rien que la potentialité d’un acte immoral est suffisant pour détruire la réputation de quelqu’un. En conséquence, la plupart du temps, les jeunes des familles égyptiennes moyennes suivent bien sagement les règles : pour une fille, on voit ses amis garçons seulement dans les lieux publics, et en groupe s’il vous plaît ! En tête à tête, c’est plus gênant et ça veut dire qu’il se trame quelque chose. Bien sûr, il y a beaucoup de gens plus ouverts, mais ils appartiennent souvent aux classes supérieures ou bien au milieu intellectuel et artistique. Il est vrai que ce sont ceux que les étrangers ici rencontrent en priorité étant donné leur ouverture, mais ils ne sont pas vraiment représentatifs, la preuve, mes proches collègues de la Bibliotheca, de classe moyenne, voire moyenne-supérieure, qui ont fait des études, ont une bonne situation, à l’occasion voyagent à l’étranger, sont imprégnés de ces règles et de cette culture.
Bref, compte-tenu du contexte, je pardonne à Monsieur I, mais je ne peux m’empêcher de penser que ce grand garçon sage est vraiment trop sérieux…