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10/01/2007

First Lady

Aujourd’hui fut une rentrée de vacances en fanfare, puisque la First Lady herself, Son Excellence Mme Suzanne Mubarak, nous faisait l’honneur de sa présence à la Bibliothèque… Madame est présidente du Conseil d’Administration de la Bibliotheca Alexandrina, il est donc bien naturel qu’à ce titre, elle nous rende une petite visite et qu’elle assiste à quelques réunions de temps en temps. Seulement voilà, ces visites officielles n’ont absolument rien de sympathique ni de bon enfant, cela vire plutôt au délire sécuritaire. C’est en effet une bibliothèque en état de siège que j’ai trouvée ce matin, avec tireurs d’élite postés sur les toits aux alentours, interdiction de traverser la Plaza, et sécurité présidentielle déployée à l’entrée. Ce qui veut dire que l’entrée du personnel a été impraticable pendant près d’une heure, puis quand cela s’est enfin débloqué, ils ont laissé entrer le personnel au compte-goutte, avec présentation du badge plus une pièce d’identité, passage au détecteur de métaux, fouille du sac, et refoulement si on a le malheur d’avoir un téléphone portable sur soi, ce qui est le cas d’à peu près…tout le monde. C’est vrai que je comptais bien sûr m’en servir pour activer à distance les détonateurs des bombes planquées un peu partout, j’avais oublié… Et la veille, les services de sécurité avaient fait savoir au personnel de ne pas fermer à clef les armoires à la fin de la journée, car sinon ils défonceraient le verrou pour en vérifier le contenu ; il est vrai que toutes nos armoires sont les cachettes idéales de ces bombes contrôlées à distance par nos téléphones portables, mais où avais-je la tête. Je vous laisse imaginer l’ambiance et la bonne humeur qui régnait pour permettre aux 1600 salariés de pénétrer dans ce bunker, eux qui demandaient seulement à rejoindre leur poste de travail. Au moins lors des dernières visites du Président Mubarak ou de « Madame », ils fermaient carrément la Bibliothèque au public comme au personnel (donnant congé à tout le monde), ce qui était ma foi plus agréable. Mais le plus pathétique est de m’imaginer ce couple présidentiel, enfermé dans sa paranoïa, bardé de gardes du corps, étouffé par les consignes de sécurité, et qui en vient à considérer tout son peuple comme des terroristes en puissance...

12/03/2006

Ma vue

Ces derniers temps, je suis privée de ma vue, et ça influe fortement sur mon humeur. L’écran du nouvel ordinateur n’était pas assez lumineux, alors, à mon grand dam, les rideaux ont été tirés. Ma vue, c’est celle du bureau du boss, une large tranche de mer Méditerranée traversée par la presqu’île de Silsila. Ma vue, c’était ce qui me consolait d’être dans son bureau et qui m’occupait quand il était au téléphone. Ma vue, c’était ce qui me régalait les yeux d’un seul coup d’œil, c’était une composition différente chaque jour, chaque saison, et presque chaque heure de la journée. Ma vue, c’était l’infinie palette des couleurs de l’eau et du ciel… et l’infinie diversité des mouvements de l’eau ; vagues de la tempête, légère brise qui caresse les flots ou calme plat… Ma vue, c’était un peu ma cathédrale de Rouen, un spectacle qui ne me lassait jamais et le plaisir toujours renouvelé de capter les nuances du jour…
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06/03/2006

Monsieur tampon (dans la série la bureaucratie à la Bibliotheca)

(note écrite en décembre dernier, lors de mes démarches administratives pour obtenir mon visa)

Aujourd’hui j’ai découvert un bureau tout à fait intéressant, niché au fond d’un petit couloir, entre d’un côté l’entrée du personnel (et ses trois barrières de sécurité), et de l’autre l’ascenseur qui mène aux bureaux. C’est celui du responsable du tampon et de ses deux assistants, enfin du « cashier administration » mais je n’ai pas bien saisi ce que c’était et j’ai bien peur que cela se résume à… être responsable du tampon. Il le garde donc précautionneusement dans une sorte de coffre-fort qu’il tient à portée de main, fermé par un code chiffré et une clé, qui reste tout de même sur la serrure. Je me suis renseignée auprès de mon accompagnateur chargé de m’aider à obtenir ce précieux tampon apposé en bas d’une paperasse de plus censée m’octroyer un visa de résident. Je voulais savoir si c’était le seul responsable à posséder le tampon dans toute la bibliothèque, soit sur 1200 personnes… Or oui. C’est que, me dit-il, c’est le tampon de la Bibliotheca, soit un tampon de l’état et c’est important. Mais qu’est bien capable d’ouvrir ce tampon comme avantage fabuleux et mirobolant pour être aussi couvé ?

16/02/2006

Comment envoyer un courrier en 6 leçons (dans la série la bureaucratie à la Bibliotheca)

1/ En haut à gauche de la lettre, ajouter un « chrono number », c’est un code subtil qui s’obtient … tout à fait « aisément »…. en trouvant le bon code correspondant au sujet de la lettre, et en ajoutant un numéro obtenu par numérotation chronologique de tous les courriers envoyés par l’unité dans le mois en cours. (Hum, vous suivez ?)
2/ Imprimer l’adresse sur une étiquette autocollante, en visant bien sur ce !!!! putain de papier à étiquettes autocollantes, que t’arrives jamais à bien viser du premier coup et que t’es obligé de courir pour venir lancer ton impression après avoir mis le papier, avant que quelqu’un d’autre ait saccagé ton beau papier à étiquettes.
3/ Remplir le formulaire « request for special courrier », disponible sur l’intranet, avec nom, adresse, type de contenu, signature et tutti quanti.
4/ Photocopier la lettre et autres contenus de l’envoi en 2 exemplaires impérativement, à joindre au formulaire request for special courier.
5/ Coller sa belle étiquette sur son enveloppe estampillé Bibliotheca, glisser son courrier à l’intérieur sans fermer l’enveloppe, et joindre accroché avec un adorable petit trombone les photocopies et le formulaire, sans oublier de noter le nom de son unité en bas à gauche de l’enveloppe.
6/ C’est bon ! Vous pouvez enfin aller au service du Mailing & Registry au 2ème étage, qui vont vérifier scrupuleusement si vous avez bien fait tout comme il faut !!

Bref, j’en peux plus de faire des courriers.

01/02/2006

Chaymaa

Depuis qu’elle est arrivée le 1er décembre dernier à la Bibliotheca, Chaymaa est mon atout numéro 1 dans le monde impitoyable de la Bibliotheca. C’est peut-être parce qu’elle est nouvelle, mais aussi sûrement son tempérament. Le fait est qu’elle n’a pas eu la retenue habituelle dont a fait preuve le personnel avec moi au début et qui rend le fonctionnement interne de cette grande machine si opaque et mystérieux. Enfin, j’ai pu mettre des certitudes sur toutes ces choses que je pressentais mais dont je n’avais aucune preuve : que la bande de mecs bavards autour de moi dans les bureaux blablatent de bien d’autres choses que de boulot ; que Hassan, mon voisin d’en face est bien un vicieux qui parle au téléphone avec des filles (après 16h30 quand les locaux se sont un peu vidés) alors qu’il a femme et enfants ; que ceux qui lisent ouvertement le journal et font des réussites sur l’ordi sont en fait les « office boys »*... Chaymaa et moi, c’est le début d’une coalition féminine contre eux et ça fait bien plaisir d’être soutenue pour les supporter et médire contre eux ! Mais Chaymaa c’est aussi plein d’autres bonnes choses, par exemple, la fin des pauses déjeuner solitaires au Hilton en face d’un sandwich déprimant, ou encore une compagne pour pouvoir papoter à mon tour pendant le boulot !

* Les office boys sont des employés chargés de rendre les services du genre : faire les photocopies, amener des documents à un autre département, etc., mais comme ils sont trop nombreux (un par secrétaire), ils en deviennent très inutiles, et toujours dans nos pattes.

14/01/2006

The ID

Ca y est j’ai mon badge !! ou my « ID » comme on dit ici, badge magnétisé et « haute technologie » avec photo de l’intéressée, logo de la Bibliotheca, et tous ses gadgets, comme le cordon intégré pour le traîner partout avec soi. Je suis comme une gosse avec, toute fière de sa nouvelle carte de grande. Et puis, je vais enfin pouvoir découvrir toutes les ressources de cette grande institution ! A moi, la salle de lecture ! A moi les expositions, le musée des Antiquités, le musée des Manuscrits ! A moi le planétarium, le Culturama ! Car oui, cela fait plus de deux mois que je travaille à la Bibliotheca et je ne connais pas vraiment sa partie publique et toutes ses attractions pour visiteurs. Les rares fois où je me suis introduite dans la salle de lecture ou que j’ai traversé le musée des Antiquités, c’était toujours en clandestine, toute stagiaire étrangère sans ID que j’étais. En même temps, cela va un peu me manquer cette vie de clandestine, car petit à petit on prend goût à ce petit jeu de piste : comment se faire ouvrir tous les matins par la sécurité à l’entrée, comment prendre un air sûr de soi et inflexible en disant « staff » quand un gardien se met en tête d’entraver notre chemin, comment ne pas se trouver coincée dans la salle de lecture par des portes verrouillées magnétiquement (une seule porte d’un étage précis n’est pas verrouillée, enseignement précieux hérité de ma prédécesseure, mais qui est, soit dit en passant, une faille béante dans leur souci maladif de la sécurité)… Bref, ça pimentait un peu mes allées et venues dans ce grand labyrinthe, mais qu'importe, maintenant I’ve got the power of the ID et j’ai hâte d’en faire usage…