Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/03/2006

Fatima

Cela a très mal commencé entre nous. Elle avait la mauvaise idée de venir le samedi matin avant même 8h pour faire le ménage. Mais surtout, elle avait une manière de tambouriner à la porte d’une violence inouïe, une agression qui me tirait malgré moi du lit, et cela toutes les semaines car malgré son vacarme, il n’y avait que moi pour l’entendre et venir lui ouvrir dans la maison endormie. Je ne comprenais pas comment une femme sans défense, surtout de son âge, avait une telle violence en elle pour pouvoir s’acharner comme ça sur une porte. Même une fois bel et bien réveillée, sa façon de parler continuait de m’agresser ; il se trouve qu’elle a tout le temps l’air de crier et d’être en colère.

Finalement, nos relations se sont beaucoup améliorées. On a trouvé un terrain d’entente : à présent elle vient un matin en semaine, ou bien le samedi pas avant midi ! En repartant ainsi sur de bonnes bases, j’ai découvert une vraie brave femme et un personnage hors du commun. Ne serait-ce que le fait de parler en espagnol en Egypte avec sa femme de ménage trilingue, ça étonne pas mal de monde… C’est qu’en réalité elle est Marocaine, ayant vécu un peu en France et dix ans à Madrid, où elle a rencontré son Egyptien de mari qui l’a ramené à Alexandrie et lui a fait deux enfants gâtés. Depuis le décès du chef de famille, elle travaille dur dans des ménages sous-payés pour faire vivre sa famille et constituer à la force du poignet le trousseau de sa fille. Depuis qu’elle sait que je parle espagnol, elle me parle systématiquement dans cette langue, parce que dit-elle, elle préfère mucho más hablar en español. Son espagnol madrilène lui a d’ailleurs valu de se faire embaucher comme cuisinière/femme de ménage au service du Consul Espagnol.

A présent que les histoires de grasse mat’ sacrifiées par des poings rageurs sur la porte sont terminées, on papote cuisine, des briouats au miel, du Maroc, de sa vie. Elle aime à critiquer l’Egypte, répéter que c’est plus sale et moins beau que son Maroc perdu. Elle aime à dire qu’elle a tout vécu, qu’elle a bien profité, et qu’elle a eu autant de fiancés que de cheveux sur la tête - quand elle était en Europe bien sûr, parce qu’aujourd’hui, c’est un voile blanc qui est sur sa tête. Bref, c’est une bonne pâte attachante, même si malheureusement ses accès de violence – ou peut-être d’énergie - ressurgissent parfois contre mon pauvre chaton qui s’est oublié sur le balcon… porque hay que educarlo de pequeño !

19/03/2006

L’une voilée, l’autre pas*

Les voiles de ces demoiselles me fascinent. D’abord pour des questions de mode et d’esthétisme, (mais ça, j’en parlerai une autre fois, photos à l’appui), mais surtout, pour l’articulation complexe entre norme sociale d’un côté, et choix personnel de l’autre. Cela dit, c’est quand même plus intéressant quand elles les enlèvent… l’autre jour, j’ai vu Radwa sans son voile, en privé bien sûr, mais ça fait son petit effet ! Ca la change complètement, elle fait alors beaucoup plus jeune et j’ai pu découvrir ses fins cheveux bouclés. Autre événement, une petite nana de l’étage est arrivée un jour sans son voile, mais elle définitivement. Son supérieur était choqué paraît-il, et bien sûr certaines filles n’ont pas manqué de la sermonner et de tenter de la raisonner, mais d’autres prennent ça naturellement, elle n’était pas assez « convaincue » par le voile voilà tout, sans que cela veuille dire pour autant qu’elle ne soit pas musulmane. Mais la conversion se passe surtout dans l’autre sens, Radwa par exemple n’a décidé de le porter qu’il y a trois ans, la vingtaine passée. C’est une décision assez rude au début mais après dit-elle cela devient totalement naturel, c’est comme de mettre ses chaussures avant de partir. Certes, ce sont des choix personnels, mais étant donné la proportion écrasante de filles qui le portent, quand on est musulmane, la décision courageuse c’est plutôt de persister à ne pas le porter. Et beaucoup parmi ces « rebelles » envisagent sérieusement de le porter un jour… Il n’empêche que ça me fait toujours bizarre d’entendre Chaymaa dire « quand je porterai le foulard »…

* J’emprunte ce titre à Dounia Bouzar et Saïda Kada, L’une voilée, l’autre pas, Albin Michel.

12/03/2006

Ma vue

Ces derniers temps, je suis privée de ma vue, et ça influe fortement sur mon humeur. L’écran du nouvel ordinateur n’était pas assez lumineux, alors, à mon grand dam, les rideaux ont été tirés. Ma vue, c’est celle du bureau du boss, une large tranche de mer Méditerranée traversée par la presqu’île de Silsila. Ma vue, c’était ce qui me consolait d’être dans son bureau et qui m’occupait quand il était au téléphone. Ma vue, c’était ce qui me régalait les yeux d’un seul coup d’œil, c’était une composition différente chaque jour, chaque saison, et presque chaque heure de la journée. Ma vue, c’était l’infinie palette des couleurs de l’eau et du ciel… et l’infinie diversité des mouvements de l’eau ; vagues de la tempête, légère brise qui caresse les flots ou calme plat… Ma vue, c’était un peu ma cathédrale de Rouen, un spectacle qui ne me lassait jamais et le plaisir toujours renouvelé de capter les nuances du jour…
medium_alex_janvier_080.4.jpg

Plus de photos...

06/03/2006

Monsieur tampon (dans la série la bureaucratie à la Bibliotheca)

(note écrite en décembre dernier, lors de mes démarches administratives pour obtenir mon visa)

Aujourd’hui j’ai découvert un bureau tout à fait intéressant, niché au fond d’un petit couloir, entre d’un côté l’entrée du personnel (et ses trois barrières de sécurité), et de l’autre l’ascenseur qui mène aux bureaux. C’est celui du responsable du tampon et de ses deux assistants, enfin du « cashier administration » mais je n’ai pas bien saisi ce que c’était et j’ai bien peur que cela se résume à… être responsable du tampon. Il le garde donc précautionneusement dans une sorte de coffre-fort qu’il tient à portée de main, fermé par un code chiffré et une clé, qui reste tout de même sur la serrure. Je me suis renseignée auprès de mon accompagnateur chargé de m’aider à obtenir ce précieux tampon apposé en bas d’une paperasse de plus censée m’octroyer un visa de résident. Je voulais savoir si c’était le seul responsable à posséder le tampon dans toute la bibliothèque, soit sur 1200 personnes… Or oui. C’est que, me dit-il, c’est le tampon de la Bibliotheca, soit un tampon de l’état et c’est important. Mais qu’est bien capable d’ouvrir ce tampon comme avantage fabuleux et mirobolant pour être aussi couvé ?