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12/02/2007

Conte de fées

Les petites égyptiennes rêvent du prince charmant ; pas plus que les petites françaises, sauf que pour les premières, on érige le mariage comme le but de leur vie. Alors bien sûr, les égyptiennes attendent leurs fiançailles comme l’événement par excellence, et le mariage comme la consécration… D’ailleurs quand une jeune fille non mariée félicite quelqu’un pour ses fiançailles ou son mariage, on lui répond « u’belik », ce qui signifie qu’on lui souhaite la même chose bientôt, car qu’est-ce qu’une fille peut souhaiter de mieux que de se marier ?? Alors quand ça tombe sur moi, je réponds parfois sur le ton de la plaisanterie : « euh non merci, pour moi ça ira, pas tout de suite… »

Et puis quand ça finit par arriver à ces demoiselles… c’est rarement l’amour parfait de conte de fées dont elles ont rêvé... Bien souvent cela commence par une décision purement rationnelle : « C’est mon ami depuis longtemps, on était ensemble à la fac, c’est quelqu’un de bien, il est sérieux, il est religieux, je trouverai pas quelqu’un de mieux ». Ou bien : « ouh la j’ai bientôt 30 ans (ça devient critique à cet âge pour une fille ici), j’ai déjà refusé 3 propositions, or lui il est pharmacien, il gagne bien sa vie, il a un appartement à côté de chez moi, à Rushdy, comme ça je continuerai à vivre dans mon quartier, et on connaît sa famille depuis longtemps, ce sont des gens bien… »

S’ensuit une période assez romantique où le prince courtise sa princesse, et où on rêve de sa nouvelle vie, de s’échapper enfin de la maison parentale et de partager ses rêves avec son âme soeur. C’est romantique aussi car cela revêt d’emblée une dimension exceptionnelle, celle d’un événement fort – le début du mariage, de l’amour pour la vie – et non le début d’une banale amourette de passage. C’est comme si le prince avait enfin trouvé sa princesse prisonnière dans sa tour et accourait sur son cheval blanc pour venir la chercher... En plus, comme dans les contes, le prince est encore tout auréolé de son mystère, on peut lui prêter toutes les qualités, et on va tout découvrir de l’amour avec lui, pas comme dans nos histoires d’amour moins chevaleresques, où l’on a déjà connu d’autres relations et où l’on vit déjà depuis longtemps avec sa moitié avant de formaliser le tout par un mariage.

Mais finalement, ce sentiment dure un temps… puis on déchante vite. Les arrangements bassement matériels prennent vite le pas sur les joues qui rosissent et l’émoi naissant. L’organisation de la fête de fiançailles apporte toujours son lot d’histoires et d’intrigues sur le coût, le nombre d’invités, le prix des bagues, etc… (en général, la famille de la jeune fille doit prendre en charge les fiançailles tandis que le mari doit payer le mariage). Mais passons, cela n’est rien comparé aux affres du mariage…

En effet, une fois les fiançailles célébrées, toute la période avant le mariage doit être mise à profit en vue de deux buts avoués :

1°/ Premièrement, prendre le temps de mieux se connaître pour les deux jeunes fiancés et vérifier leur « compatibilité ». Ils se connaissent en effet rarement bien avant les fiançailles car c’est seulement à partir du moment où ils sont fiancés que les deux « tourtereaux » peuvent sortir tous les deux en tête-à-tête. Avant cela, même s’ils sont amis, la sortie de groupe est de rigueur ; une fille et un garçon qui tiennent à leur honneur ne peuvent pas passer du temps en tête-à-tête s’ils ne sont pas, soit de la même famille, soit fiancés…

2°/ Deuxièmement, préparer toute la vie matérielle des jeunes mariés : logement, meubles, trousseau… avec un arrangement entre les deux familles pour savoir qui paye quoi…

C’est là que les ennuis commencent, quand on commence à connaître réellement son « promis » et qu’on découvre par exemple que ce jeune –ou moins- jeune homme n’est pas à la hauteur des espérances : « trop occupé à la pharmacie », égocentrique, pas très ouvert d’esprit, désobligeant avec ses remarques sur les kilos en trop de sa soi-disant dulcinée, trop fils à sa maman, ou encore un goût peu sûr pour la décoration du futur nid.

Quant à la préparation et l’ameublement de l’appartement, même si elle génère aussi sa part de tensions et de questions d’argent, elle a « l’avantage » de déplacer la nature de la relation à peine naissante sur un plan purement matériel. « Avantage » car de toutes façons comme on a déchanté sur les qualités de sa moitié, on se lance dans une fuite en avant pour s’installer matériellement, ce qui rend de plus en plus difficile un quelconque retour en arrière ; comme ça, ça évite de se poser trop de questions… Car si dans la théorie, les fiançailles permettent de mieux se connaître et de confirmer le désir de mariage, en réalité avec ce système, on n’a que peu de droit à l’erreur, et se désengager n’est pas si aisé (même si de nombreuses fiançailles sont effectivement rompues, cette décision reste difficile à prendre car il faut souvent braver l’opposition de sa propre famille…). « Avantage » aussi car ça crée une relation sur un mode pratique, qui permet d’oublier et de compenser l’absence de tendresse entre les deux fiancés, proscrite avant tout contrat de mariage, alors qu’elle devrait être le mode normal d’une soi-disant relation d’amour naissante… C’est très étrange car ces futurs mariés font tout comme un vrai couple, refont l’appartement, l’équipent, prévoient une chambre pour les enfants, bref tout, sauf ce qui devrait être à l’origine de cette vie de couple et de ce futur emménagement: s’aimer ! Alors, allons donc choisir les meubles, au moins on fait quelque chose ensemble ! Mais quand on en vient à se quereller sur la place du frigo dans la future cuisine américaine, personnellement je ne garde plus guère d’espoir….

Mais à la fin sûrement « qu’ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… »



PS : Cette note est inspirée de deux cas réels dans mon entourage proche, je ne veux pas en faire une généralité pour autant, je pense qu’il faudrait sûrement nuancer (en mieux comme en pire d’ailleurs). J’espère aussi me tromper et que ces deux mariages prévus pour la fin de l’année seront des mariages heureux.