Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/11/2006

Rêve Alexandrin (extrait)

Par Nour

Cheikh Ali, une taverne, seul terme qui peut exprimer la rareté d’un lieu de ce genre dans une ville islamisante en pénurie de boissons alcoolisées. Entre des plantes bien disposées à masquer l’entrée qui faisait face à un long bâtiment en pierre où je me suis dissimulée, une nuit, pour donner un baiser ou réprimander un amant oublieux. Le Cheikh Ali, dont la pénombre réchauffée par une lumière pâle, faisait songer à l’ambiance qui pouvait régner à l’époque de la prohibition. La vétusté du lieu, capharnaüm d’objets que le temps a décidé de négliger, avec son horloge arrêtée et remontant à l’âge européen de la ville d’Alexandrie, ses photos cadrées des personnages de l’époque, son papier peint vert et son zinc en or, donnait au lieu un aspect aristocratique et funèbre. Un curieux personnage, joueur de luth aux yeux asiatique égayait l’assistance, majoritairement masculine et louche, en leur déclinant des vieilles mélodies d’un soprano égyptien décédé. C’est ici qu’on venait céder à nos humeurs, oublier pour un temps nos différences, remettre en cause l’état des administrations et des gens du pouvoir. On pouvait y recroiser les visages oubliés de la vieille Alexandrie ou discuter avec des artistes, des administrateurs ou des expatriés jeunes ou vieux, vivant ou de retour sur une terre qu’ils n’ont pu oublier. La dépravation de l’alcool et du charme de la nuit unissaient les bassesses, les orgueils et les flatteries dans une eurythmie légère reposant sur une reconstitution personnelle d’un monde fascinant et étranger. La ville mythique d’Alexandrie et ses habitants.

22:03 Publié dans Lieux | Lien permanent | Commentaires (4)

15/11/2006

Souvenir du Ramadan

Des milliers d’hommes. Une véritable armée disciplinée, alignée en rangs face à moi. Telle est la vision impressionnante qu’a offerte la rue en bas de chez moi tous les soirs du mois sacré, celui de Ramadan. Mon immeuble se trouve à deux blocs de la mosquée Brahim, mosquée de taille moyenne du centre-ville mais très connue et extrêmement populaire au moment du Ramadan. La raison principale en est son cheikh, très réputé pour sa grande piété et sa belle voix, qui d’une façon très lancinante mais très mélodieuse, récite le Coran inlassablement. Alors pendant le Ramadan, où les musulmans se font plus musulmans, et les prières plus suivies, les murs de la mosquée se font trop étroits pour accueillir tous les fidèles. La rue de la mosquée Brahim, ma rue, se couvre alors de tapis et d’hommes alignés de bout en bout, sans compter toutes les rues adjacentes, et un grand espace réservé aux femmes, derrière de grandes tentures colorées.
Cette année a battu tous les records d’affluence, grâce aussi à la mise en place de grands tapis dans toute la rue, de haut-parleurs tout le long pour porter loin la voix du cheikh et même d’un service de sécurité pour fermer la rue… C’est aussi que les masses égyptiennes, qu’on le veuille ou non, deviennent chaque année un peu plus religieuses… Si tant d’affluence, dans une atmosphère d’intense recueillement et de ferveur forme un spectacle hallucinant, cela devient vite un cauchemar quand on est une fille et qu’il s’agit de rentrer et sortir de chez soi le plus naturellement du monde… Pour sortir - une armée d’hommes droits face à soi, jusqu’au seuil même de la porte de l’immeuble, et des organisateurs qui vous crient dessus pour vous enjoindre de gagner au plus vite la corniche. Pour rentrer - les volontaires du service de sécurité qui vous barrent le passage, et il faut alors négocier pour dire qu’on habite ici et qu’on n’a pas d’autre choix que de passer par là. Reste encore à traverser ces rangées d’hommes : le meilleur moment est quand ils sont debout, recueillis les yeux fermés, le pire est celui où ils écoutent le prêche, assis à bader les mouches (et nous au passage).
La prière la plus suivie, celle de la nuit du destin qui commémore la descente du Coran à Mahomet aurait rassemblé près de 60 000 personnes à la mosquée Brahim cette année. Hamdulillah, je me trouvais loin d’Alexandrie ce soir-là…

3.wav 3 minutes de prière (son enregistré depuis le balcon)

04/11/2006

0,4%

A l’occasion de la conférence EUMEDIS*, nos partenaires danois ont eu la bonne idée de nous offrir une boîte de chocolats, à nous, l’équipe alexandrine du projet avec qui ils communiquaient depuis des mois pour préparer au mieux cette conférence. Des chocolats, ça fait toujours plaisir, c’est convivial et puis tout le monde aime les chocolats ! Seulement voilà, patatras, la liste des ingrédients en tout petit derrière la boîte indiquait : « 0,4% alcool ». C’est que les filles se sont empressées de vérifier, à croire que n’importe quelle denrée venant de nos contrées impures de bouffeurs de porc et d’assoiffés d’alcool est par nature suspecte. C’est ainsi que la boîte de chocolats intacte est gentiment venue retrouver sa place dans le bureau du chef français qui l’avait faite passer à toute l’équipe pour en faire profiter tout le monde. Personne n’a voulu y toucher. J’ai essayé de raisonner quelques collègues gourmandes en leur disant que tout de même, ce qui est interdit par la religion c’est de se saouler et de perdre le contrôle de soi, que là avec un chocolat à 0,4% il n’y a vraiment pas de risque et que ce n’est pas la raison d’être de ces « innocents » chocolats, contrairement à une bouteille de whisky par exemple. Autre argument « fallacieux » de ma part, ces 0,4% corresponde peut-être à une seule variété de la boîte, genre griotte ou autres, qu’on pourrait facilement détecter et isoler. Mais non, il ne fallait surtout pas prendre de risque. Merci pour les chocolats.

* un de ces noms sophistiqués inventés par la Commission Européenne pour désigner leurs programmes euromed (conférence finale EUMEDIS du 10 au 12 juin 2006 à la Bibliotheca Alexandrina)

12:37 Publié dans Alcool... | Lien permanent | Commentaires (6)